Andy ~ Bullshits.

Titre dramatique

“On va bouger nos culs à Christchurch. C’est bien, Christchurh. Fait bon vivre là-bas” Le patriarche Glover s’était attelé à la tâche de convaincre ses proches d’une voix des ténors dans laquelle tout s’engouffrait qu’il leur fallait quitter leur nid texan. La conscience même de Farah s’était nichée dedans, tapie dans l’ombre de ses incertitudes, et avait ainsi soufflé ses interrogations :‘Christchurch en Nouvelle-Zélande?’. ‘Bah non, chez les british là’ avait-il argué d’une main molle lancée par-dessus l’épaule sans que Fara n’ose émettre le moindre son en dépit de l’étau bien tassé dans la gorge. Saisissant de suite les ennuis dissimulés sous la langue de son époux, et ce qui appelait à la spontanéité n’invoquait en réalité que les problèmes financiers du couple et de leur bambin, pour un peu de mollesse, beaucoup d’arnaques et pléthore de dettes. Ainsi quittèrent-ils les banlieues d’une austère régularité de Houston, pour un village par-delà l’océan, un village que d’aucuns ne connaissaient, et qui pourtant, semblait briller par la verve du père dès lors que l’on s’étonnait de ce choix : “C’est parce que j’ai hérité d’un vieil oncle pété de fric. Il veut qu’on aille vivre là-bas… Ouais c’est sur l’testament ouais.” Et secrètement ravaler la vérité d’un doigt planté au hasard sur le globe terrestre en PVC du salon, dernière tentative de fuite quant aux dettes et escroqueries semées ici et là.


Il parie qu’en se pointant à l’école ce matin, toute la petite plèbe va s’écrier : “ mais t’as une coupe de cheveux incroyable Andy!”. Et la façon dont on le laissera tranquille, cette fois, ça réalignera les chakras, c’est sûr. Andrew s’est pointé devant la classe la boule au ventre mais l’air passablement confiant. La tête bien droite plantée sur les épaules, arborant une hardiesse postiche, bien élimée par son image de réprouvé. Il a exhalé tout l’air chargé de stress de ses poumons à la minute où ses yeux se sont posés sur Ren, et d’une poigne enserrant la lanière de son sac à dos, a désespérément cherché son approbation. “T’as vu un peu, ma coupe à la Harry Kane?” Cette initiative calquée sur l’appel des réseaux sociaux, pour sûr, allait les sauver des bully. Et de comment ils s’érigeraient au rang de grands pontes de la récré sans grands efforts, par la levée du levier de la mode et de comment il faut bien polir son apparence, ça leur changerait foutrement la vie. Mais rien n’avait changé. Au contraire à foncer délibérément vers le pire Andrew avait de fait pris conscience du caractère inéluctable de sa situation :  relayé possiblement au rang de faible. C’était peut-être le milieu qui les avaient produits. Ou bien était-ce l’ennui, l’absence de buts, le refoulement d’un paquet de frustrations en dedans, qui s’étaient instillé dans leurs veines.  Andrew s’abandonnait aux choses sans opposer de résistance, du moins jusqu’à ce que le jeune Glover ne daigne s’ériger un peu plus haut dans la chaîne alimentaire. Un réveil lui plantant puissamment les crocs dans les entrailles.


La propension qu'il avait, à s'approprier les choses ; les convictions, les emmerdes, la détermination mue par le peu de moralité, cela le nourrissait de l'intérieur et l'érigeait soudainement au rang de gars populaire, roi des embrouilles, prince des bons filons. Son bagou légendaire acquis par le père, cette enflure capitaliste enquillant les fraudes, avait percuté net son cerveau comme sa personnalité : avec la confiance naquit chez Andy cette volonté furieuse d'en découdre et de ne, jamais plus, se faire percuter par les dommages collatéraux. Et c'est ainsi qu'il monta ses arnaques, d'abord minimes et relevant de demandes de petits prêts qu'il ne rendait jamais, puis peu à peu plus volumineuses quoique noyées dans les méandres du dark web qu'il maniait si bien. Bien engoncé dans ce cocon virtuel, la réalité finit néanmoins par le rattraper. “Ouais mec, t'es toujours à Londres ? La musique me manque c'est une dinguerie.” Andy avait de sorte invoqué leurs souvenirs passés auprès de Ren, son ami de toujours ; monceaux brumeux mais formidables du groupe de musique qu'ils avaient monté ensemble au lycée, afin de se glisser dans des excuses qui ne s'avèreraient pas foireuses, pour cette fois. Ainsi avait-il laissé tomber les études, un combat pourtant si durement acquis par sa mère, afin de rejoindre son ami de toujours au sein de la capitale et fuir ses dettes.


Andy avait posé bagage dans la capital en sifflotant The Clash. Cela ne l'avait pas tant secoué, l'effervescence de la ville, le pas pressé des badauds, le bruit environnant. S'acclimatant à la seconde où le pied fut posé chez ce vieux disquaire de Berwick Street, l'audacieux gamin vint se fondre au sein de ce monde cosmopolite vibrant. Et auprès de Ren, surtout, recouvrer une seconde famille prenant forme dans une colocation vacillante mais unie, imparfaite par les excès des uns et des autres, des amourettes foireuses et des tempéraments pas bien canalisés.