and when i break it's in a million pieces ✧.* daph

Brutally Soft

✧.* diet cherry cola ; baby face ; dior lip oil ; reading at least two books a week ; heart on her cheek ; screaming internally, always ; cancer sun, virgo moon, sagittarius rising ; the higher the heels, the better ; tens of pinterest boards ; insane amounts of coffee ; pretty (fake) nails ; sad girl music ; overthinker ; cottagecore & coquette aesthetic ; exactly like other girls ; 'picky eater' to mask an eating disorder ; collects crowns and rings ; always making lists ; make-up lover ; super self-conscious ; smartest person in the room ; ribbons and glitters ; afraid of the dark ; crybaby ; unironical eurovision stan ; falls in love with book boys ; princess in the streets, princess in the sheets ; period dramas lover ; (smutty) romance novels reader ; control freak over her appearance ; curious and nerdy ; can't sleep without a cuddly toy ; history nerd ; rhinestones in every 'work look' ; sad drunk ; will debate anyone ; tiny menace ; mom friend ; doll eyes ; collects pretty quotes about broken hearts ; champagne problems ; matching lingerie sets and pjs ; mommy issues, daddy issues, everyone issues... ; feels naked without perfume ; 'does it come in pastel pink ?' ; needs a goddamn hug ; binges on food to cope with her emotions ; the horrors of girlhood ; scared of horror movies ; so many playlists ; five mental breakdowns a day ; gothic architecture fangirl ; carrier of tiny unpractical bags ; cemeteries roamer ; must be pretty when she cries ; there's always a taylor swift song about how she feels ; just wants to belong ✧.*

Tu n'as pas le droit de dire que tu as manqué d'amour en grandissant, parce que ta grand-mère était là et qu'elle a tout fait pour que ta vie semble normale, complète, une enfance faîte de jeux et de biscuits sablés avec un cœur en confiture, d'ateliers couture à farfouiller dans ses boites à trésor à la recherche des plus beaux boutons, des plus jolies dentelles, d'heures passées à courir après les mouettes sur la plage de Camber Sands, avant que les marées ne viennent effacer tes pas. Ce serait ingrat de dire que tu n'as pas été aimée correctement pendant tes plus jeunes années, parce que tu étais trop petite pour réellement savoir qu'on t'avait un peu abandonné, qu'on avait lâché l'affaire mais que c'était probablement 'pour ton bien'. Mamie là, parce que tes parents ne pouvaient pas. Ton père en prison pour des raisons floues qu'on ne t'a jamais vraiment expliquées, ta mère partie pour te protéger. Un sevrage de drogues récréatives mais nocives trop rapide quand elle a découvert sa grossesse, un tsunami d'hormones après ta naissance, un post-partum compliqué, se muant peu à peu en psychose où elle était persuadée d'être sur le point de te faire du mal et puis la fin, précipitée. Dans un relent de lucidité, elle t'a déposé chez sa mère avant d'abandonner le monde, piégée dans son mal-être, incapable de voir une solution moins brusque, moins permanente, moins finale. Tu n'as pas appris cette vérité avant des années, non pas qu'elle aurait été plus facile à encaisser que de croire - silencieusement, parce que gran ne parlait pas de ça, qu'elle ne voulait pas de toi. Gran, si dévouée à te donner une enfance normale, qui a d'ailleurs réussi son pari avant que l'âge - et le deuil, aussi - ne finisse par la rattraper. T'avais quinze ans quand elle aussi, elle est partie. Dans le flou de cette perte et la confusion de ces jours sombres, t'as refoulé pas mal du bordel légal dans lequel tu t'es alors retrouvée. Encore trop jeune pour être laissée à l'abandon, tu as cru un instant finir en famille d'accueil ou en foyer, avant qu'une assistante sociale ne t'apprenne l'existence d'un oncle, frère de ce père inconnu. Tu te souviens de la robe noire que tu portais, et à l'ourlet de laquelle tu t'accrochais parce que tu avais envie de pleurer mais n'avait plus de larmes à verser. Sans qu'on ne te demande ton avis, t'as été expédiée à Londres, loin, trop loin de Rye. Sans qu'on ne te donne voix au chapitre, t'as été catapultée dans une famille, supposément la tienne, mais dont tu ne connaissais rien et n'est toujours pas sûre de comprendre la dynamique. Ton oncle et son argent, sa femme et ses ambitions. Beryn, tu n'as jamais osé l'appeler aunty, parce qu'avec son regard glacial et son apparence toujours tirée à quatre épingles, elle ne t'a jamais semblé accessible, pas de cette façon en tout cas. Trop différentes, trop diamétralement opposées, vous n'avez pas su trouver un terrain d'entente et tu t'es réfugiée dans le clichée d'une crise d'adolescence silencieuse pour t'enfermer dans la chambre qu'ils t'ont attribué, t'évadant en lisant, avançant en potassant pour ne pas devoir réfléchir au vide de cette imposante baraque diablement vide, dénuée de chaleur humaine ou même d'amour.

Quand t'as découvert ce que cette tante par alliance faisait de ses journées (et de ses nuits surtout), t'avais pile le bon âge pour partir. C'était le temps des examens, des admissions à l'université, timing idéal pour fuir la bâtisse en t'enveloppant de tes grands principes. Hors de question pour toi de cautionner les activités lubriques de la brune statuesque, tu as claqué la porte sans écouter, non pas qu'elle t'aurait expliqué. La seule certitude pour toi, à ce moment là, c'était qu'il valait mieux vivre dans une boite à chaussure mal isolée avec des voisins trop bruyants que de partager ton espace avec une proxénète. T'avais pas le recul nécessaire, à l'époque, pour savoir que ça pouvait se faire de façon éthique et à ce jour, tu n'es de toute façon pas sûre que ça soit comme ça qu'elle gère son business. Tu t'étais jurée de ne jamais foutre à nouveau les pieds chez eux, mieux vaut être seule que mal accompagnée comme un mantra auquel tu n'as jamais réussi à adhérer. Au final, t'as mangé ta fierté de temps en temps. Pour les fêtes, que t'étais incapable de passer seule, même si le froid presque stérile entre toi et ta tante teintait ça d'une sauce amère, là pour gâter tes souvenirs de celles connues avec Gran.

T'as toujours voulu trouver ta place, Daph, c'est peut-être ta plus grosse tare : tu ne sais pas être seule, tu ne sais pas fonctionner en te sachant isolée dans le monde. Au fil des ans, t'as essayé d'arrondir les angles avec ton oncle (quand il était là) et ta tante (quand elle ne posait pas sur toi un regard que tu imagines, encore aujourd'hui, plein de jugement et d'agacement), mais tu n'as pas pu forcer de nouvelles traditions, des moments conviviaux, quoi que ce soit que tu aurais su apparenter à l'idée très stéréotypée que tu te faisais d'une vie de famille. C'est aussi comme ça que tu t'es amourachée du mauvais garçon. Deuxième petit ami, premier sérieux en réalité, issu d'une famille bien comme il faut (trop sans doute, tu t'es jetée sur lui en donnant tout, trop tôt, trop vite, trop naïvement. Lui, sa famille et ses amis sont devenus les tiens, mais à quel prix ? Celui de ta dignité, clairement. Parce que t'as beau te foutre des oeillères, ça fait un moment que tu sais qu'en dépit de l'appartement que vous partagez maintenant, il ne t'aime pas - ou plus, tu ne sais pas ce qui est pire. Tu le sais quand il oublie de rentrer pour aller se perdre dans les draps d'une autre, ou quand il ne dit rien alors que les harpies qui volent autour de ses amis enfoncent leurs griffes dans la moindre aspérité que tu aurais le malheur de ne pas cacher. Ton allure, tes vêtements, tes études, ton background, tout est sujet à critique - elles te malmènent, tu ne t'en rends pas bien compte, pas pleinement, mais c'est pourtant le cas. Peut-être qu'au fond, si tu ne le vois pas, c'est parce que tu es plus dure avec toi-même qu'elles ne pourront jamais l'être. Leurs critiques sur ta silhouette n'ont jamais été que la goutte d'eau faisant déborder le vase de tes inquiétudes, de quoi donner du venin à tes pulsions les moins saines pour te rendre malade et rentrer dans le cadre. Elles peuvent bien se moquer, sous couvert de compliments donnés avec un revers de main et des sous-entendus, au moins t'es invitée. Eternelle chute de toutes les blagues, sac de frappe pour les pestes de la jeunesse dorée Londonienne, tu devrais être plus maligne que de te laisser faire mais ton besoin d'appartenir fait fondre tes neurones. Un jour, lui t'épousera, t'aura la bague familiale pour prouver ton statut et elles finiront par se taire, pas vrai ? Lui te rassure quand tu insistes (tu dois toujours insister, à croire que tu ne portes pas tes émotions suffisamment haut sur ton visage) en te disant que c'est normal, que c'est comme ça qu'ils communiquent tous, entre eux, les gosses de riche tirés des écoles privés, tu ne peux pas comprendre, tu ne viens pas de ce monde là. De toute façon, tu n'as pas à t'étonner, avec les études que tu fais, évidemment qu'elles vont se moquer dit-il. Elles, elles ont déjà arrêté parce que les diplômes, une fois le master passé, n'aident pas à trouver un bon parti à épouser. Elles travaillent pour papa, pour un parrain, un ami de la famille, le temps de pouvoir tout arrêter en prétextant voulant être là pour des enfants que des nannies élèveront sans doute à leur place.

Sauf que ce n'est pas sain et tu le sais. Malgré vos (tes) efforts, malgré le temps. Vos disputes s'enchaînent, chaud-froid qui ne se terminent jamais réellement si bien que ça, toujours pire qu'avant que le ton ne monte de toute façon. Plus ça va, plus tu te demandes si tu ne t'accroches pas pour rien, mais t'as foutu trop d'énergie dans cette histoire pour qu'elle ne survive pas. Le prince charmant est peut-être un peu cabossé mais n'est-il pas supposé être ta délivrance, pendant que tu laisses ton féminisme au placard et qu'il te sauve et panse les plaies que tu tais ? Bernée par les histoires qui restent pourtant tes refuges, t'as ignoré les rubans signalétiques qui auraient dû te faire partir depuis longtemps. Quand on s'est collé des lunettes roses sur le nez, forcément, les panneaux rouges ne semblent plus si écarlates. Pas quand on est en plein dedans, en tout cas. Parce qu'il n'aura fallut qu'un coup d'oeil au chat noir que tu croises à chaque fois que tu fais refaire tes ongles pour remarquer tes yeux rougis. Elle a eu le malheur de te demander ce qui n'allait pas, Izzy et avant même que tu ne saches comment, t'as craqué comme un barrage cède en essayant de retenir trop d'orage, au milieu du salon de la prothésiste ongulaires, entre quelques strass et une couche de top coat à polymériser. Tu ne devais pas y voir très clair, lendemain d'une énième dispute, d'énièmes excuses écrites à la va vite sans qu'elles ne veuillent plus dire grand chose, dans ta boite de réception... T'es rentrée avec une proposition et en voyant qu'il n'étais pas là et ne s'était pas donné la peine de faire livrer l'habituel bouquet de fleurs signifiant qu'il voulait te faire taire et mettre les soucis sous le tapis, t'étais en train de faire un sac pour aller dormir sur le canapé de la brune. Coup de téléphone ouragan pour vaguement expliquer à ton copain qu'un peu d'espace vous ferait sans doute du bien. Il n'a même pas bronché, sachant que ça lui simplifierait la vie de te tromper si tu n'étais pas dans ses pattes et t'as fait semblant de ne pas en avoir grand chose à faire, qu'il ne tente pas de te retenir.

Et puis t'as changé de monde, sans t'y attendre. T'aurais pu deviner dans quoi tu t'embarquais, rien qu'à l'allure de la brune t'offrant refuge pour quelques nuits. Une maison bien impressionnante pour qu'y vive un groupe, une histoire sordide de meurtre et de fantôme pour justifier qu'ils puissent se payer pareille demeure. Crown of Chaos porte bien son nom, pas un moment de répit dans la colocation, tourbillon que tu n'as croisé que brièvement, maison moulin dans laquelle t'as pourtant posé des cartons, parce qu'on t'a dit qu'il y avait une chambre à louer, une colocataire recherchée. ’Just stay away from Ren and we'll be fine’ comme seule consigne, avec un rire que tu n'as pas compris, parce qu'il te manque leurs blagues, leurs codes, leurs habitudes. Et pourtant, au milieu de ses inconnus, alors que t'es pas encore installée, pas décidée pour de bon à vraiment quitter l'appartement que tu partages avec ton mec, tu te sens déjà plus à ta place qu'avec ton cercle direct. Des années à te bouffer les nerfs pour fit in, que tu remets maintenant en question, quand ça semble si facile de juste exister au milieu du groupe bordélique mais soudé. T'as pas la moindre idée de ce qu'est le metalcore, ou de s'ils ont la moindre chance de percer dans le milieu, mais c'est secondaire, non ? T'as pleuré sur les coussins de leur canapé, y'a déjà un bout de toi ici, le reste on verra bien.