golden son (michael)

Titre dramatique

C'est un bar tout en longueur. Vide, on peut distinguer les gravures que les patrons ont fait sculpter sur le bois du comptoir ; on peut admirer les lumières douces et anachroniques des néons qu'ils ont accroché sur les murs. Le Lion's gate est un savant mélange de modernité et d'ancien. Un rêve pour la plupart des étudiants qui se pressent régulièrement entre ses portes. Vide, le pub est plein de charme. Ce soir, cependant, il est plein à craquer et tout le monde ignore sa décoration hétéroclite. Les patrons, un couple de gallois aux mains plus douces que leurs visages marqués par l'âge, beuglent à pleins poumons en réclamant de l'ordre. Leurs invectives se perdent au milieu des rires, des éclats de voix, des chants qui célèbrent la fin d'une année scolaire. Des masques recouvrent des visages à la fois trop jeunes pour être réellement qualifiés d'adultes, mais plus assez pour être déclarés juvéniles. On se presse les uns contre les autres, en se fiant à la voix pour reconnaître ses amis. Les pintes de bière éclaboussent le tissus des habits mais personne n'en a cure. Tous ici, sont venus pour s'amuser, pour une dernière beuverie avant le début des vacances. Ceux qui quittent à jamais les bancs de l'université se sont rejoints ailleurs. Ici, ce n'est qu'une pause, quelques mois avant de reprendre les bouquins ; quelques mois avant que les doigts se retrouvent tâchés de l'encre des stylos et que les méninges se remettent à tourner à plein régime. Une pause, un souffle. Du souffle, Mike en manque. Sa gorge le démange d'une envie que ni l'alcool, ni les rires ne peut apaiser. D'un mouvement de tête et d'un geste, il signifie à son groupe qu'il sort prendre l'air. Il slalome entre les convives, se prend un léger coup de coude dans les côtes ; grogne mais continue son chemin jusqu'à pousser la porte d'entrée. Il avale sa première bouffée d'air pur à grosse goulée avant de s'éclipser sur le côté du bar. Des bruits étouffés lui parviennent malgré l'épaisseur des murs. La quiétude de la rue adjacente lui donne l'impression qu'il vient de s'extirper d'une fourmilière pour pénétrer dans un monde nu d'êtres humains. Il sort son paquet de clopes de la poche de sa veste, en extirpe une, relève le masque qui couvre son visage, la coince entre ses lèvres et tâtonne. Merde. Un grognement remonte le long de sa gorge mais il l'étouffe avant même qu'il ne sorte. Devant ses yeux, la flamme d'un briquet scintille. Il a l'impression de comprendre ce que les marins ressentent quand, perdus en mer, ils aperçoivent la lueur discrète d'un phare. Mike tire une longue bouffée de nicotine et redresse les yeux. Le type qui se tient en face de lui a abandonné son déguisement. Ses yeux sont rieurs et son sourire est sûrement le plus beau sourire que Mike ait pu voir.
— William, dit-il.
Le visage de Colman se fend du même genre de rictus.
— Mike.


Michael est le second d'une famille de trois enfants. Son frère aîné est chirurgien esthétique et possède sa propre clinique dans l'Est de Londres. Sa sœur, de trois ans sa cadette, est psychiatre. Mike s'entend particulièrement bien avec cette dernière, leur mère les appelant affectueusement le « duo démoniaque » ; vivant en couple depuis une décennie, Michael possède un duplex à Camden mais a également acheté un atelier à son conjoint à Croydon, ne supportant pas l'odeur âcre de la peinture - originaire de Croydon, William s'y rend régulièrement et il lui arrive de passer la nuit là-bas- ; Mike partage également le duplex avec Sefi, une grande dogue allemand au caractère doux et calme, voire complètement paresseux. La chienne a tendance à préférer le confort de l'appartement que les longues promenades à l'extérieur de la ville ; bien que sûr des sentiments qu'il porte à son fiancé, cela fait plusieurs années que Mike trompe William. La première fois, c'était lors d'un déplacement pour assister à une série de conférences à Manchester. La seconde fois lors d'un voyage en famille sur la côte basque. Petit à petit, le cercle de ses tromperies s'est resserré jusqu'à Londres