hurricane

Vie dramatique

planté à l’entrée dans la chambre, il l’observe. Sourcil froncé, sous le crâne blond c’est la tempête. il essaie de comprendre, ou du moins, de deviner, ce que son aîné est en train de faire, le corps à moitié planqué sous le lit. le silence ne présage rien de bon, en général quand Otto est silencieux c’est qu’il prépare un mauvais coup. a pas de loup, il avance le gosse, le sourire à demi posé sur ses lèvres. “T'es en train de mater des magazines pornos ou quoi ?”, le sursaut de son frère confirme ses soupçons, il manque de se cogner la tête contre le fer du sommier, ressort entièrement de sa cachette, un rire aux lèvres. “Va fermer la porte que je te montre”, dans le secret que l’on confie sans sourciller, la complicité du moment quand là, sur le lit du bas il déplie quelques feuilles ou se dessine sous leurs Yeux un plan. il est simple, quelques rectangle ici et là, des inscriptions, mais le gamin comprend vite. “C'est le plan de la kermesse de l’école”, il montre du bout des doigts, “là, les stands”, retrace une route imaginaire, “et là, la caisse que garde le dirlo”, Otto a continué ses explications, ce plan qui avait en tête pour se faire un peu de blé. C'était simple, il fallait détourner l’attention, voler la caisse en fin de journée, le tour était joué. sans le savoir, et dans la complicité d’une chambre d’enfant, Otto venait de monter son premier coup. le premier d’une longue liste. le début d’une vie chaotique. dramatique.

cette nuit là, il n’a pas dormi. comme on se prépare à un grand événement, ou comme un mauvais pressentiment qui nous envahit. “il faut y aller” as-t-il répété sous son crâne, inlassablement, comme pour se convaincre. il faut y aller, parce qu’on ne peut plus reculer, on ne peut plus se défiler, faire marche arrière et décider de rentrer dans les rangs. il n’y a plus d’option, plus vraiment d’autre solution. “ce coup là, c’est un gros coup”, avait-il annoncé, l’air sérieux, le plan sous les yeux. Otto n’a pas changé, de la chambre de gamin aux premières nuits en cellules, les plans se créent et se lient dans le cervelet, “ce coup là, tu viens avec nous”, il a déposé l’arme au creux des mains, le regard qui en dit long et ce choix qu’une fois de plus, il n’a pas laissé. il ne fut plus question de rester sur le bas coté, sur le trottoir d’en face, la voiture prête à démarrer. plus question d’être passif, juste un spectateur des coups de ton frère, de plus en plus gros, de plus en plus important.  cette fois-ci, c’est pour de bon. la bijouterie se vide des derniers clients, quelques âmes de passage, une vendeuse seule pour la fermeture, son boss bien planqué dans l’arrière boutique, le dernier couple de futurs jeunes mariés s’échappant de l’échoppe. “C'est l’heure”, a t-il prononcé. quatre. quatre cagoules, armes aux poings. quatre pour s’emparer du butin, pirate attrape tout ce qu’il peut, menace, gueule, pas un coup mais une violence certaine dans tous les gestes qu’ils exécutent. on attrape la gamine sous le bras, le canon sur la tempe. elle n’a pas tremblé pourtant, van le sais, van l’as vu quand il a croisé son regard. Ces grands yeux qui voulaient dire qu’ils n’auraient rien d’elle, pas un cri, pas une larme, juste une peur silencieuse. “C'était pas le plan putain” la voix tremble, incertaine et en colère. il suffit d’un homme pour que le plan échoue et que les événements prennent une tout autre tournure. c’était pas le plan, et il fallait agir. Et elle a beau jurer qu’elle ne dira rien, personne ne la croit. ses mots s’essouffle dans la prise d’otage, et Van ne peut concevoir que sa “carrière” de petit voleurs ne devienne celle d’un tueur. promesse faite avec les yeux, il s’oppose, sa voix pour grogner, la libérée.

“otto s’est fait coffrer”, dans un grand boucan la porte vient s’arracher contre le mur. C'est tombé comme une mauvaise nouvelle. Otto s’est fait arrêter. au petit matin, alors que le soleil n’était pas encore levé. dans un vacarme de cris et de droits qu’on récite. “la bijouterie ?” a t-il demandé, soudain inquiet. L'autre a secoué la tête. rien à voir, une vieille histoire, mais le risque bien présent de déterrer le présent en remuant le passé. il a attrapé le sac au dessus de l’armoire, jeter quelques affaires, une liasse de billet. Van a contemplé son monde s’écrouler, cette épée de Damocles reprendre place au dessus de son crâne. un jour, ce sera lui qu’on viendra chercher, qu’on viendra cueillir au petit matin, sans pouvoir y faire grand chose, rejoindre les autres derrière les barreaux. “Je me casse, et tu devrais en faire autant”, et probablement qu’il a raison. Van y a pensé, réfléchis, un court instant. impossible. hors de question d’abandonner Otto. peut-être est-il idiot, mais jamais il n’as été lâche.