don't rain on her parade (lily)

Titre dramatique

La maison du bonheur. Un frère jumeau chaotique et malicieux, un grand frère sage et aimant, une mère aux petits soins pour ses enfants et un père à l’autorité bienveillante. Au cœur de Westminster, leur maison, loin d'être un havre de tranquillité, vibrait constamment au rythme des rires, des pleurs et des éclats de voix. Oh, ce que Lily pouvait aimer ce tumulte. Ce qu’elle pouvait chérir chaque instant passé dans cette grande demeure, cette si belle harmonie qui y régnait.

Comment est-ce qu’il pourrait en être autrement ? En tant que cadette et la seule fille de la fratrie, Lily avait été choyée et protégée par ses frères d'une manière qui dépassait l'entendement. Richard, William et elle étaient inséparables. Bien sûr, ils avaient leurs désaccords, des jours où les taquineries de ses frères la mettaient hors d'elle, mais au final, ils demeuraient ses êtres les plus chers au monde. Et que dire de ses parents ? Sa mère, Margaret, était une figure de douceur et d'amour, une maîtresse de maison parfaite qui semblait capable de maintenir leur monde idyllique intact envers et contre tout. Quant à son père, Frederick, il imposait le respect tout en dégageant une chaleur paternelle indéniable. Son charisme, ses principes moraux inébranlables et son poste prestigieux à la police métropolitaine avaient même inspiré William à suivre ses traces dans les forces de l'ordre.

Les moments passés en famille étaient pour Lily des trésors inestimables : les dîners animés, les vacances mémorables, et même les simples moments de tranquillité partagée. En somme, cette sensation d'appartenance si particulière que seule une famille unie peut procurer. Pendant des années, elle avait grandi dans cet univers parfait, digne des plus belles fictions, une famille dont elle était fière, une famille qui semblait dénuée de toute zone d'ombre… Mais était-ce vraiment le cas ?

Peut-être pas autant qu'elle ne voudrait le laisser paraître. Parce que Lily, elle aime autant sa famille qu’elle est dans le déni. Un déni constant, inébranlable, assourdissant. Parce que des signes de fissures sur ce beau tableau, il y en avait toujours eu, et chaque année un peu plus. Aussi bien lorsqu'elle résidait encore dans la demeure Darling, ou après avoir pris son indépendance… Lily avait juste choisi de ne pas les voir. De dévier le regard. D'ignorer toutes ces fois où l'argent coulait soudainement à flots, et toujours en liasses. Ces hommes étranges qui venaient de temps en temps à la maison. Ou bien ces quelques fois où elle l’avait vu au volant de sa voiture de police alors qu’il n’était pas censé travailler. Les tensions silencieuses entre le père et le fils. Sans compter toutes ces belles paroles qu’il avait à chacune des innocentes interrogations que pouvait porter Lily... Non. Rien. Il n'y avait rien.

Après tout, comment concevoir que le grand Frederick Darling puisse être autre chose que le père aimant qui leur avait inculqué des valeurs de droiture, d'honnêteté, de courage et de justice ? Comment, de toute personne, son cher papa aurait pu volontairement tromper, mentir, abuser, manipuler ? C'était une question à laquelle Lily refusait de répondre. Une question qui n’avait même pas lieu d’être. Alors, presque inconsciemment, elle regardait ailleurs. Son cerveau préférait protéger son petit cœur. Il préférait se réfugier dans le confort de ses illusions. La faire penser à autre chose.

Et puis, elle se faisait sûrement des idées, après tout. Son père le lui avait martelé à maintes reprises. Chaque fois qu'elle avait osé poser des questions dérangeantes, chaque fois qu'elle avait pointé du doigt des faits curieux. Il avait toujours ce même rire qui la faisait se sentir si petite. Il lui assurait à quel point ses suppositions, ses pensées étaient ridicules. À quel point ses interrogations inutiles ternissaient son beau sourire. Son père, c'était celui qu'elle admirait le plus au monde. Donc, il ne pouvait avoir que raison. Elle devait simplement manquer de perspicacité pour comprendre la véritable raison derrière toutes ces étrangetés. D'ailleurs, elles n'étaient pas si étranges que ça. Elle se mêlait simplement de ce qui ne la concernait pas. Il n’y avait pas de problème à part elle. Alors, elle avait fini par se taire, Lily. Et elle ignorait. Rien ne se passait.


Il y avait deux choses à propos du déni dont Lily n’avait pas conscience.

La première, était que le fait qu’elle ait décidé d’y plonger la tête la première ne signifiait pas qu’il en allait de même pour tout le monde. La seconde, était que plus profondément elle s’enfonçait dedans… plus grande serait la chute lorsque les événements deviendraient impossibles à ignorer.

Et ces deux choses, Lily allait finir par s’en rendre compte de la pire des façons, un jour de novembre 2023.

Un jour qui avait pourtant si bien commencé. Mais parce qu’elle s’était rendu compte qu’elle avait oublié des papiers importants pour sa boutique chez ses parents, elle décida d’y passer à l’improviste. C’était quelque chose qu’elle aimait, avec la demeure familiale. Le fait que même maintenant qu’ils avaient leur vie, leur propre chez-eux, la grande demeure où ils avaient grandis, ses frères et elles, était toujours accessible. Ils pouvaient toujours y débarquer, qu’importe l’heure, qu’importe la raison. Et y rester aussi longtemps que souhaité. Et bien sûr, qu'il en était ainsi. Ils n'avaient rien à cacher, après tout. Oh, bien sûr, cette fois-ci, elle ne voulait y rester qu’en coup de vent. Vu l’heure, la maison était très certainement vide, de toute façon.

Ou du moins, elle aurait dû l’être. Mais lorsque Lily entre dans la maison, elle peut de suite entendre des éclats de voix. Celle de son grand frère, William. Ceux-ci étaient distants, venant de quelque part à l’étage. Elle ne parvenait ni à distinguer ce qu’il disait, ni à qui il parlait. Mais il était clair qu’il était hors de lui. Elle était curieuse. Elle était inquiète. Mais elle ne voulait pas avoir l’air d’espionner son frère. Peut-être que celui-ci était au téléphone. Sûrement que cela ne la regardait pas. Alors elle se fit discrète. Elle chercha silencieusement ses papiers, essayant tant bien que mal d’ignorer le sentiment de mal-être et d’anxiété qu’elle commençait à ressentir, sans trop savoir pourquoi. Jusqu’à ce que d’un seul coup, elle sentit le monde s’arrêter l’espace d’un instant. Un tout petit instant, cinq secondes, au plus. Mais qui, dans son esprit, a duré une très longue éternité.

Un coup de feu. Puis un deuxième. Un bruit sourd, si reconnaissable, suivit d'un silence encore plus bruyant. Lily était figée. Sa respiration tremblante. Son cœur avait battu tant de ratés, son estomac s’était si tordu, elle avait l'impression d’être sur le point d’en vomir. Jamais elle n’avait senti une peur, une anxiété aussi viscérale, aussi brûlante, aussi pesante. Des coups de feu. Des coups de feu venaient d’être tirés à l’étage. Et elle n’entendait plus son frère. Son estomac se tord encore. Et puis sans réfléchir, elle se dirige vers les escaliers. Son cœur était sur le point de sortir de sa poitrine alors qu’elle montait les marches. Maintenant qu’elle s’était rapprochée, elle pouvait distinguer des sons, la guidant jusque dans le bureau de son père. William était là, à terre, tenant sa jambe ensanglantée dans la douleur. Un pistolet dans l’une de ses mains. Son père aussi, était là. Debout, de l’autre côté de la pièce… Il tenait également une arme, et avait un air froid sur le visage. Mais Lily ne prêta que peu d’attention à ce dernier. Tout ce qu’elle voyait, c’était son grand frère en sang.Une ruée de sang sur a jambe, ses mains, et sur le sol autour de lui. Elle fonça s'asseoir près de lui, criant son prénom, morte d’inquiétude. Et quand William remarqua sa présence, il sembla horrifié.

« Lily ! Qu’est-ce que tu fais là ?! » Lily sursauta. Le ton de William était ferme, il la disputait presque. Encore sous le choc, elle ne pouvait que bafouiller, sans savoir quoi répondre. « Emily, va t’en tout de suite ! Rentre chez toi ! Pars !! » Sans trop qu’elle ne sache pourquoi, Lily sentait les larmes lui monter. Son regard vacilla de William à son père, de son père à William, encore et encore. Pour finir de s’arrêter sur l’arme que tenait son père. Le doigt sur la gâchette. « Papa, c’est… c’est toi qui as tiré ? …Pourquoi ? » Son père n’a même pas eu le temps de répondre. William, d’une voix transpirant la douleur, fût plus rapide que lui. « Il a tiré parce que j’ai découvert son p’tit manège. Ses activités, ses mensonges. Il a préféré... en finir avec son propre fils plutôt que de voir la vérité éclater » Les mots de William percutèrent Lily comme des éclairs. Elle fixait son père, incapable de parler, ses mains tremblantes se serrant contre sa poitrine. Les révélations de William semblaient se heurter violemment à l'image intouchable de son père qu'elle avait toujours chérie. Qu’elle avait tant cherché à protéger dans son esprit.

Le regard du patriarche passa de William à Lily, et en une fraction de seconde, son expression froide et sans émotion se transforma en un si chaleureux, si doux visage, qu’il en devint presque effrayant. Lily sentait une sensation de mal-être grandir dans son estomac. « Lily... mon coeur... Ne l'écoute pas. Ton frère... ment. Il a toujours été instable, irréfléchi. Il traine dans tant de mauvaises affaires... J'étais une menace, pour lui. Il voulait me détruire. Mais je ne pouvais pas le laisser faire. Je me suis simplement défendu. » Lily sentait un mélange de confusion, de peur et de tristesse l'envahir. Son père avait toujours été parole de vérité… Pas vrai ? Mais, comment est-ce que ces mots si vagues pouvaient être vérité ? Et pourquoi tout son être sonnait si faux ? Son estomac se tordait encore une fois.

Elle se tourna alors vers William, cherchant désespérément la vérité dans ses yeux. « C'est lui qui ment, Lily ! J'ai trouvé des preuves, des documents... Il... il est corrompu jusqu'à la moelle ! Vingt ans qu’il traîne dans la drogue ! Qu’il bosse avec des gangs ! Qu’il trahit tout le monde, qu’il crache sur toutes ces belles petites valeurs qu’il nous a apprises ! Tout c’qu’on connait de lui, c’est du vent ! » insista William en s'efforçant vainement de garder son calme malgré la douleur. Le cœur de Lily tambourinait dans sa poitrine alors qu'elle essayait de démêler le vrai du faux. Elle s'autorisait enfin à voir son père d'une tout autre manière, mais les souvenirs d'une vie heureuse et idéale en famille la retenaient encore. Comment accepter que cet homme, celui qu'elle admirait tant, puisse être capable de telles choses ? « Alors maintenant, Lily, je t’en supplie… Sors. D’ici. » Le ton de William était à la fois ferme et implorant. Tout ce qu’il voulait, c’était sortir sa chère petite sœur du danger. Qu’elle soit hors d’atteinte de leur père.

Lily regarda les deux hommes à tour d'affilée une dernière fois, avant de poser ses yeux sur son frère. « Et te laisser seul ? » par cette simple réponse, prononcée d’une voix tremblante, tentant de contrôler sa peur, Lily avait choisi son camp. Les deux hommes l’avaient compris.

Leur père soupira. Et Lily eut à peine le temps de l’entendre murmurer « très bien. » Tout alla soudainement très vite. Trop vite. Son père qui lève son arme. Son frère qui crie son nom, puis qui se jette sur elle. La manière dont son étreinte la protège, et l’empêche de regarder ce qu’il suit. De nouveaux coups de feu. Quatre. Frénétiques. Leur bruit était si proche de son oreille, il était facile de deviner que cette fois, William en était à l’origine. Et de nouveau, Lily fut dans un état de choc. Elle n'était pas capable de penser quoi que ce soit. Comme spectatrice d'elle-même, tête encore nichée dans les bras de son frère, elle entendit leur père s'écrouler à terre. Le long, très long silence assourdissant. Son frère lâcher son arme. Elle sentit l’étreinte qu’il lui portait se resserrer. La manière dont il la berçait, lui chuchotant de ne pas regarder. De rester là, dans ses bras. Qu’il était désolé. Qu’il ne voulait pas. Elle l’entendait pleurer, mais ne pouvait rien faire.

Qu’est-ce qu’il venait de se passer ? Elle venait juste chercher des papiers administratifs. Elle passait juste en coup de vent. Elle allait récupérer ses papiers, rentrer chez elle, promener son chien, puis partir au travail. Ça allait être une journée si calme, si paisible. Alors pourquoi ? Pourquoi était-elle dans les bras de son frère ensanglanté ? Pourquoi avait-elle encore le bruit de coups de feu bourdonnant si fort dans ses oreilles ? Pourquoi avait-elle vu son père pointer une arme sur elle ? Et pourquoi elle n’entendait plus rien de lui ?

Elle venait juste pour ses papiers-

En un instant, la maison du bonheur était devenue celle de l’horreur.


Leur père n'avait pas survécu aux coups de feu qu'avait tiré William. Deux balles lui traversant la cache thoracique, une autre se logeant dans sa nuque, et la dernière lui griffant les côtes. Il était mort sur le coup. William, quant à lui... était coincé dans un fauteuil. L'une des deux balles qu'il avait reçu s'était logée au mauvais endroit. Il ne pourrait plus marcher. Du moins, c'est ce que les médecins avaient conclu. Heureusement néanmoins, il n’avait pas fallu beaucoup de temps pour que la légitime défense soit reconnue. Sans même compter le témoignage de Lily, William avait amassé assez de preuves à propos des activités illégales de son père pour retourner complètement la police métropolitaine. Pendant une petite semaine, l’affaire avait même fait la une des journaux. Le parfait fait divers. Plein de drames, avec un héros, un méchant, et une victime. Le tout, au sein d’une famille sans problème d'un quartier riche de la ville. Du pain béni pour les journalistes. Lily, elle, détestait toutes ses grandes lignes. Tous ces articles, toutes ces photos. Mais elle n’en parlait pas. Elle le gardait pour elle.

À vrai dire, même presque six mois après ce maudit jour, elle ne parlait pas de ce qu’il s’était passé dans ce bureau. C’était comme si son cerveau avait enfermé à double tour ses souvenirs pour la protéger. Elle continuait à sourire, à rire, à vivre joyeusement, comme si rien de tout ça ne s’était passé. Comme si son propre père n’avait pas tenté de les tuer, William et elle. Comme si son propre frère avait tué leur père. Comme si son frère n'était pas coincé dans un fauteuil. Comme si sa mère n'était pas en dépression. Comme si son frère jumeau n'était pas rongé dans la colère. Comme si celui qu’elle avait tant admiré toutes ces années n’était pas, en une fraction de seconde, devenu le plus effrayant des étrangers.

Comme si cette famille qu'elle pensait si unie, n'était pas soudainement totalement brisée.

Est-ce que les choses auraient été différentes si elle avait fait plus ? Si elle ne s’était pas laissé manipuler par son père ? Si elle avait été aussi courageuse que son frère l’était ? Ses questions, il lui était impossible d’y répondre. Soit elle n’avait pas de réponse, soit les réponses étaient trop douloureuses. Alors elle n’en parlait pas. Elle n’était tout simplement pas prête à en parler. Elle ne voulait pas en parler.



Lily possède toujours le doudou de son enfance, une vieille peluche de chat répondant au nom de Snoofee. Elle le ressort d'ailleurs encore aujourd'hui pour dormir avec elle, en cas d'urgence émotionnelle qu'elle a nommé elle-même “Code snoof”. / Depuis un jeu de cache-cache ayant mal tourné lors de son enfance, où la petite Lily s'est retrouvée enfermée plus de cinq heures dans un placard, celle-ci souffre de claustrophobie. Elle n'est également pas très rassurée lorsqu'elle se retrouve seule dans le noir, lorsque l'endroit ne lui est pas familier. / Lily aime profondément les animaux, et se trouve être aujourd'hui l'heureuse maman d'un gros terre-neuve qu'elle emmène de partout avec elle, sir Woofgang Wigglebutt the Third. / Bien qu'en pleine possession de son permis de conduire et d'une voiture, Lily privilégie tout de même son vélo pour ses déplacements de tous les jours. / Lily est un véritable moulin à paroles, et ce trait se voit décupler lorsqu'elle se sent gênée ou embarrassée, tout comme sa maladresse habituelle. / son frère jumeau et elle sont si proches, qu’ils font même partie du même groupe d’amis.