We are fucking fucked - Azalée

Il était une fois  à Marseille

EN VRAC

Sarcastic bitch + Rancunière + Malhonnête + Culottée + Trop bonne menteuse + Paumée + Caustique + Chaotic good + portée sur la bouteille - fuck&danse + Intrépide + Pétasse sur les bords + Opportuniste + Chiale pour des pubs débiles + Multirécidiviste aka Ex-taularde + Imprévisible + Beaucoup, beaucoup trop imprévisible + Sens de la survie vaguement aléatoire - Trouve les Anglais franchement coincés du c* + Se prend pour Arsène Lupin au féminin + Instable + Intelligente mais ingérable + Poche troué + ACAB + ChildFree + Habile dans l’art du déguisement + Plus c’est gros plus ça passe. 


Chapitre premier, la tête du vautour.
   “Vas-y, Aza, tu casses les co*” Le pouce roule contre l’interrupteur, les ongles s'emmêlent dans la crinière de paille. Le crachat à l’oreillette lui tire une moue mi-figue, mi-raisin. Le vautour n’a jamais eu beaucoup de patience. “Réponds, merde !” Les faux-cils papillonnent et la belle joue de ses rondeurs, s’amuse de l’air benêt du pigeon qu’elle s’apprête à déplumer. “Aza, ça prend trop de temps. J’te jure que j’vais m’le faire ce fils de p*te.” Fatigue. “Tu m’excuses, je vais me rafraîchir.” Et elle roule des hanches, chaloupe sur les dalles des pénates de luxe, tellement plus qu’elles pourront probablement jamais s’offrir. Les soucoupes pâles jettent un regard taquin par-dessus l’épaule, la dextre s’élance, envoyant un faux-baiser miséreux. Vilaine comédie. Aussitôt la porte fermée que l’index plaque l’oreillette. “Écoute ma grande, va falloir que tu la fermes si tu veux que j’avance. Il est bien mûr. Alors en attendant, avec tout l’amour que j’ai pour toi ma puce, ferme ta p*tain de gueule.” …”Ok ?” Le silence tombe et elle l’imagine facilement qui ronchonne, pèse les pour et les contres. “Ok ?!” Le chuchotement tonitruant lui éclate la gorge alors qu’elle attend une réponse digne de ce nom. “Ok ok, c’est bon, t’énerves pas. Mais j’te préviens, si tu t’arranges pas pour m’filer des nouvelles, j’fonce dans l’tas.” Les billes pâles roulent dans leurs orbites. La cadette est trop protectrice. Touchant, mais étouffant.

La comédie continue. Jusqu’à ce que la victime du jour se retrouve menottée au lit, attendant de franchir sa septième destination vers un ciel sans augures. Piégé. Et elle ricane, Azalée. Agite rapidement son téléphone en l'air pour capturer l'image qui lui servira certainement plus tard. “Bouge pas, je vais chercher mes huiles.” Nom de code soufflé d’un timbre habile et suave, douce promesse rompue alors qu’elle tourne les talons pour jauger la pièce déjà étudiée dès son entrée. “Ok, j’ai Marchand dans le viseur. Grouille-toi de trouver le dossier. J'ai la gâchette qui démanche.” Jamais rien de définit, de létal. C’est la règle des hydres que le vautour se force à respecter en serrant les dents. Par les baies vitrées, Azalée détaille les tâches en étoiles des nombreux lampadaires. S’émerveille du splendide du bleu turquoise qui sombre dans une nuit jamais noire. “Meuf, c’est pas le moment de baver sur la vue.” Sa langue claque d’agacement contre le palais et elle jette à un point lointain à travers les vitres un regard furibond, déforme son faciès en une grimace immature avant de s’élancer jusqu’au bureau. “Hélène, vous avez les huiles ?” s’impatiente le plumé du soir. “Presque, j’ai eu un petit accident de flacon. J’arrive, choupinou !“ Le timbre est exagéré, trop aigu, déformé dans un accent caricatural qui masque ses véritables ascendances. Sa fausse crinière blonde roule sur ses épaules et elle s’empresse de fouiner, trouve finalement une porte close qu’elle crochète avec aisance avant de se faufiler dans le bureau. “Bingo !” Un souffle et elle glissent jusqu’à l’immense meuble taillé dans un bois qui doit, sans aucun doute, coûter plus cher que sa propre assurance vie.

Le reste est fluide, rapide, aisé. Son regard serti de lentilles qui colorent ses opales d’un vert de jade dansent entre les lignes, jusqu’à dégoter ce qui l’intéresse. Le dossier sous le bras, elle s’empresse d’échanger le lot contre une carte de visite. Celle de l’hydre. Drôle de légende trop absurde qui se déforme sous les langues. “Rien qu’un conte pour énerver les poulets”, qu’ils disent. “J’ai le dossier.” Le soupir de soulagement fait cracher l’oreillette. “Super, maintenant bouge ton cul, sors de là avant que je poinçonne 'choupinou'.” Le coup du siècle, qu’elles disaient, riaient, faisant ricocher leurs verres de vin les uns contre les autres en rêvant d’une île rien qu’à elles. C'est à peine si capte les grésillement de l'oreillette ou le vacarme qui semble soudainement distraire son vautour. Ça aurait été somptueux, superbe. Parfait. Le coup porté au crâne, elle ne le voit pas, Azalée, tandis qu’elle s'effondre avec son butin pour rejoindre les bras de Morphée.

Chapitre second, la tête de la ballerine.
   La ballerine, qu’elles l’appellent. Elle, elle déteste le sobriquet. Azalée prétend qu’elle virevolte et danse avec génie entre les 1 et les 0. Petit pirate des temps modernes, habile pour trafiquer les serrures à distance et dénicher les dossiers compromettants. Mais cette fois, elle reste impuissante. Désespérément inutile. Son talon claque alors qu’elle patiente nerveusement. Ses quenottes grincent tandis qu’elle avise finalement la mine pâle et la crinière farouche d’Azalée. Menotée et ballottée jusqu’à leur misérable cabine. La cellule se ferme, le silence s’écroule. Comme leurs rêves. Les prisons de Marseille sont morbides. Ses mirettes jaugent les graffitis sur les murs et la petite table, esquive tant bien que mal le bleu qui sertit l'œil droit de l’aînée. “C’était pas censé se passer comme ça.” Soufflre la ballerine. Elle, elle est plus sage et mesurée que leur vautour. Ses lippes tremblent et la bouille de la taille d’une balle de golf grossit dans le creux de sa gorge. “Tu sors quand ?” La grande question. Elle n’a jamais pu assister au procès. Pour entrer ici, elle s’est grimée, elle aussi. Faux cheveux. Lentilles. Prothèse. Elles ont toujours été expertes dans le domaine. Azalée l’a toujours dit. Plus c’est gros, plus ça passe. Personne n’imaginerait qu’une des têtes de l’hydre puisse avoir le culot de se pointer ici. “Un an. Six mois, si je me tiens à carreaux.”

Le rire jaune agite ses épaules. Le menton secoue la frimousse avec dédain. Azalée a jamais bien compris la définition même de la sagesse. Elle a toujours été la plus dingue d’entre elles. L’hydre n’existerait pas, sans elle. Sans le cœur de la bête. “Ouais, donc facile deux ans.” Conclut la ballerine en levant finalement le nez pour enfin l’affronter. Son regard pétillant de malice n’a jamais été aussi éteint.  “Sympa. T’as vachement foi en moi.” “ Ta gueule, Aza. Ça fait deux semaines et t’as déjà un coquard. T’as énervé qui, hein ?” Les billes de sels traîtresses roulent contre les joues. Marseille, c’est terminé pour elles. “J’te jure que si tu fais rien pour sortir d’ici le plus vite possible, j’te tue.” la voix déraille. “Notre vautour pète les plombs. Personne a jamais su la calmer comme toi. J’sais pas si j’vais y arriver.” Azalée n’a jamais été démonstratrice. Et pourtant elle s’élance, bras devant, agrippe sa ballerine en lui marmonnant des paroles rassurantes. Y a rien qui pourra l’arrêter pour foncer droit vers la sortie.

“J’étais qu’une intermédiaire. Ils n'ont pas de preuves pour les autres charges. Rien me relie à l’hydre. Mon avocat est confiant.” Le dos plaqué contre le mur tagué, elle jauge l’horloge au plexiglace brisé et les minutes qui défilent. “Faut que vous vous barriez de Marseille. Arrange-toi comme tu peux pour la convaincre. La laisse surtout pas venir ici. On se retrouvera, ok ? La laisse pas tout foirer. Elle a tendance à toujours vouloir faire tout comme moi. C’est toi qu’elle devrait imiter.” Les lippes s’étirent finalement en un petit sourire mutin. Ici ou ailleurs, rien ne pourra les séparer.

Chapitre troisième, la tête et le coeur.
   “Delcroix. Tu bouges.” Phrase totalement inespérée. Miraculeuse. Les opales dansent des murs aux barreaux. Elle ignore quoi faire de cette nouvelle liberté. Neuf mois, ça semble long. Une variable entre les six espérées et l’année promise. Pas si mal. Sa crinière de jais a perdu ses nuances entre les quatre murs. Le faciès dépourvu de ses fards habituels, elle ramasse le carton maigre contenant le peu d’affaires emportées. La robe et les talons de cette foutue soirée la narguent et lui rappellent le temps perdu. Ça a l’air bien trop loin. Alors qu’elle signe la décharge et emporte son maigre butin, Azalée se traîne mollement jusqu’à la porte de sortie. Se faufile entre les badauds venus récupérer leurs taulardes sans trouver ces visages connus qui lui manquent tellement. Le chemin jusqu’à la planque lui semble long. Vain. Et dès qu’elle pose les pieds sur place, l'arnaqueuse sent le myocarde se serrer dans le poitrail. Rien que du vide, de l’écho et quelques magazines abandonnés. Un frigo vide. Quelques pauvres assiettes fendues. Une odeur de moisissure trahissant le temps. Elle était le cœur de l’hydre. Mais aujourd’hui, l’hydre n’est plus. Toutes les têtes sont tombées. Le carton est délaissé sur une table basse bariolée de fines fêlures, marque des nombreux coups de canif rageurs laissés par le vautour. Une vieille plaquette rouillée de circuit imprimé dépasse légèrement de sous le sofa confortable sur lequel elles aimaient tant se lover à trois pour se plonger dans des vieux films sans couleurs. Alors elle se vautre, Azalée, fixe le plafond sans bien savoir où aller. Quatre-quatre ans et pas foutue d’être fixée.

Ses opales dansent sur les piliers, captent sur le faux-plafond une anomalie qu’elle aurait pu repérer, entre les trous de couteaux et les tiges de métal. Il lui faut quelques minutes pour aller dénicher le vieil escabeau, grimper jusqu’aux limites du plafond et repousser la planche légère pour passer une tête dans le plafond. Les volutes de poussières se faufilent entre ses nases, arrachent à sa gorge une toux brutale, brouillent sa vue et l’empêchent de distinguer nettement ce qui l’avait intrigué. Une enveloppe épaisse qu’elle déniche et n’ouvre qu’une fois vautrée à nouveau sur le vieux canapé rouge criard. Azalée arrache l’ouverture d’un geste fluide, jette sur la table basse le contenu et s’esclaffe. Un passeport, deux lettres et un jeu de clefs.

“Parce qu’on te connaît et qu’on sait que le tiens sera plus à jour. Barre-toi de Marseille toi-même.” La première note lui tire un sourire, le passeport est plus que convaincant, œuvre de la ballerine, probablement. La photo, en revanche, lui arrache une légère grimace. “C’est pas mon meilleur profil, ça”. La seconde lettre est recouverte, tachée d’encre à un endroit qui trahit quelques larmes salées.

“Z,

Tu sais que je suis pas douée pour ça. La ballerine a eu du mal à me convaincre. Rien que l’idée de te savoir dans ce trou à rat me fout les boules. Mais t’as vu, je me suis tenue à carreau. Je suis pas venue. Je suis pas venue, mais j’ai pas pu te dire à quel point j’étais désolée. Au fond de moi, je suis persuadée que tu m’en veux de pas avoir été à la hauteur ce jour-là. De m'être faite avoir. D’avoir laissé ce fils de p**** lever la main sur toi. Je comprends toujours pas bien où ça a foiré et je compte bien me débrouiller pour choper l’enfoiré de taupe qui nous a foutues dans la merde. Qui t’a foutu dans la merde. Le passeport, c’est au cas ou. On va devoir changer de téléphone, supprimer nos réseaux et démanger la planque et aller, je sais pas où. J’ai la haine, Z. J’avais déjà les plans de la baraque qu’on allait s’offrir sur notre île. Ici, y a plus rien pour quelqu’un comme moi. La Ballerine va se faire discrète aussi. Elle veut pas écrire. Elle dit que ça ressemble à un adieu. Elle veut pas non plus partir dans une vendetta. Enfin, c’est le nom qu’elle donne à ce que je veux faire. Je comprends pas bien ce qu’elle entend pas là.

On s’en prend pas à mes go, point barre.

On se retrouvera. Essaie de nous faire signe comme tu peux, tu sais comment, ok ?
Mais débrouille-toi et fais vite. Sans toi, ça sert à rien.

Ton vautour.”
Et la ballerine.

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