some things last a long time

life's better on saturn

"est ce que tu m'as trompé joe?"
"non, mais j'en avais envie."
"alors pourquoi est ce qu'on reste ensemble?"
un silence
"parce que c'est plus facile comme ça."

ça fait mal et c'est pas faux. dix ans ensemble, cinq avec la bague au doigt, c'est beaucoup et c'est dur d'avouer quand une bonne chose se termine. il l'a bien senti, joe, la flamme s'étouffer un peu plus chaque jour sur ses dernières années. il a essayé de la raviver pourtant, en vain jusqu'à ce qu'il se rende compte qu'il n'y arriverait pas. toutes ces soirées passées chacun de son côté sur le canapé téléphone en main et signes d'affections mécaniques, ça s'accumule, ça devient la routine avant qu'on puisse y faire quoi ce soit. alors c'était l'autre solution pour joe, la plus facile. perdu dans la nuit, suppliant ses amis de prendre un dernier avec lui verre au lieu de rentrer chez eux, perdu dans la nuit, dansant sous les lumières multicolores où la musique est forte et les regards deviennent des invitations. pourtant à chaque fois qu'il s'est retrouvé au coin fumeur d'une boite, le cœur qui bat vite, en sueur et toujours un peu plus près du visage d'un autre, les visions de ce jour là reviennent. chemises blanches, joues rouges, sourires incontrôlables et deux "i do". non, joe ne l'a jamais trompé, mais il en a eu envie.

peut-être qu'il était là le début de la fin, ce jour là. trop jeunes, probablement, pas assez matures, ça c'est sûr. englouti par londres, loin de l'endroit où il a grandi, où l'adolescence et la découverte de soi-même a été un cauchemar éveillé. insultes et coups devant le lycée, pas assez viril, timide, mauvais en sport, tout était une excuse pour les jeunes de son village. le changement était trop et trop rapide. d'un enfant maladroit et rejette par ses pairs à un jeune adulte en école d'art qui essaye de s'intégrer. joe est resté jusqu'à la fermeture des pubs, il est resté à parler jusqu'au premières lueurs du matin dans des cuisines d'inconnus, il a passé des journées à exposer dans des galeries trop classes pour lui. et il y a la rencontre, la relation se développe en parallèle que la carrière de joe. de la chance, un concours de circonstance, il connait la bonne personne, un dépannage, un stage, un shoot après l'autre jusqu'à ce qu'il n'ait plus à faire d'effort. flash, une autre position, flash, mettre plus en avant les vêtements que les mannequins, flash, on prend l'habitude rapidement, flash, le chèque est confortable, mais on se perd.

"si c'est plus facile c'est peut-être mieux que je m'en aille ce soir."
"d'accord."
"t'as vraiment rien d'autre à dire? "

un silence. trop long cette fois. joe reste là, les yeux rivé sur le mur, pas un seul mouvement jusqu'à ce que la porte claque. pas la première fois qu'il part dormir autre part après une dispute, surement pas la dernière. une bière et une deuxième, joe s'enfonce dans le canapé, s'explose les yeux en retouchant ses photos dans le noir pour ne pas avoir à penser. une troisième et une quatrième, il laisse ses pieds le guider dans la rue, n'importe où tant qu'il y a des gens. la musique de ses airpods est remplacée par la musique de la boite. une cinquième et une sixième, il accepte ce que les inconnus lui offrent dans les toilettes. sept, huit, peut-être plus, joe a arrêté de compter il y longtemps. ils dansent, les corps se rapprochent, si proches que joe sent la chaleur des deux torses l'un contre l'autre et l'alcool dans sa respiration sur son visage. l'anticipation, l'envie, l'incompréhension, tout dure une seconde de trop. mauvaises idées, mauvaises pensées, incapable de vraiment y réfléchir; joe veut avoir mal, faire des choses qu'il regrettera le lendemain sans penser aux conséquences à cet instant. les deux paires de lèvres se rejoignent, plaqué contre le mur, il passe sa main dans les cheveux de l'autre homme. alors non, joe ne l'a jamais trompé, pas avant ce soir. mais c'était fini, donc ça compte pas vraiment.

"comment t'as pu faire ça joseph?"
"t'allais partir de toute façon."
"mais ça avait pas à se terminer comme ça."
"peut-être, c'est plus trop important maintenant."