contribute to the chaostw / vulgaritéCut the crap Kels, you're not being cute.La voix de Cal grésille à travers son téléphone éclaté – faudrait qu’il le change, un jour, peut-être, s’il en avait vraiment quelque chose à foutre. Par réflexe ou automatisme, il se met à le singer, répète la phrase avec le ton inquisiteur qu’adopterait un roi de pacotille, capricieux, détestable. C’est ce que font les petits frères : ils imitent, caricaturent et moquent les aînés à défaut de pouvoir s’en détacher. Pourtant ils ont le même âge et Kelly a tout de l’aîné dans sa propre fratrie, mais avec Cal, il a tendance à se comporter comme le cadet ingérable.
Il veut pas y aller.
– Fuck off.L’insulte est marmonnée à son portable, mais Cal est laissé en
vu. Faut croire que Kelly s’inspire aujourd’hui des meilleurs (de sa sœur), et a décidé que la mesquinerie était la meilleure réponse aux ordres crachés par son techniquement-boss-mais-surtout-frère.
À peine a-t-il poussé la porte du Corner Shop qu’il est accueilli par un :
– Aren’t you supposed to meet Cal?– OH MY FUCKIN’ GOD, ENOUGH!Les bras sont levés dans un mouvement exaspéré, théâtral, et déjà il fait déjà demi-tour, continuant à pester bruyamment.
– This absolute fuckin’ twat! I fuckin’ told him but noooo he never listens to fuckin’ anythin’, Christ, I’m gonna-Toute la rue écoute, malgré elle, une longue tirade destinée à Callahan
fucking Brady et sa tête plus dure que du métal. Kelly apostrophe même un passant ou deux, l’air de dire,
hein que j’ai raison, hein, hein, contredis-moi vas-y essaie mais personne ne lui répond. Au mieux on l’ignore, au pire on le regarde comme s’il avait complètement perdu la boule, et après tout c’est peut-être ce qui se rapproche le plus de la vérité, de toute façon elle n’a jamais été bien ancrée sur ses épaules, ni petit ni adulte, le sera encore moins quand il sera vieux et sénile. S’il arrive à cet âge-là – c’est pas gagné.
Kelly beugle, fouille ses poches, ne trouve que ses clés et un couteau et un peu de fric, et surtout des trucs qui servent à rien. Quelques tickets, un élastique pour cheveux (quelle blague, qu’est-ce que ça fout là), de la craie (
what the fuck), pas l’ombre d’une putain de cigarette. Il vide la moitié des trucs par terre, perd un peu de monnaie, s’agace parce qu’il ne trouve même plus son briquet.
– Alright, sure, this is “piss off Kelly” national day, fine. FUCK.Cal a intérêt d’avoir des clopes. Et de la bière. Beaucoup de bière.
Lorsqu’il arrive à destination, Kelly est à cran, monté sur ressorts, prêt à tout casser sur son passage. Il entre comme un boulet de canon.
– Are you fuckin’ stupid, ‘cause, you know, everyone says I am but at least I know what fuckin’ NO means, yeah? I said no, Cal, fuckin’ no, do I need to-Son regard passe de Cal à la commode à Cal à la commode, et, vraiment ?
– The hell is that? You want to get that, il pointe le meuble du doigt,
up there? Il pointe l’étage cette fois.
Are you takin’ the piss?Un rire nerveux lui échappe et déjà, il se met à secouer vivement la tête, campant sur ses positions comme une monture récalcitrante face à un obstacle qu’on lui demanderait de sauter. Tellement mal dressée que serrer les rênes ne servirait à rien ; à ce stade tout est à refaire, il faut tout reprendre à zéro, lui apprendre la base des bases ou juste tout brûler et le remplacer, prendre un vrai étalon à la place d’une putain de mule qui n’écoute rien à rien. On n’en tirera rien d’autre que plus de braiments. Preuve en est :
– You got a lot of nerve, yeah, I said your attic your responsibility and I fuckin’ meant it. I’m not touchin’ that shit, ‘cause, you know, this is-Il a besoin d’une clope, merde, il va imploser.
– Got a smoke?Il ne finit pas ce qu’il était en train de dire et c’est sûrement pas plus mal, à quoi bon ? Tout ça pour lui dire qu’il ne veut pas participer à quoi que ce soit impliquant son
invitée, pas plus qu’il ne l’a déjà fait (trop fait). De toute façon, il n’est même pas sûr que Cal l’écoutait. Et s’il a tenté d’en placer une au milieu de son interminable laïus, eh bien, Kelly n’a rien écouté non plus. Les gens comme lui (comme eux ?) n’apprennent pas à dialoguer, ça gueule et ça crache et ça feule, de sales bestioles toujours prêtes à mordre, comment voulez-vous tenir une conversation avec des putois ou des idiots, du pareil au même. Sans doute ne parle-t-on pas la même langue, au pays des gosses brisés.
– Where’s the beer?La clope est déjà oubliée, maintenant il veut boire, étancher sa soif pour espérer calmer le brasier qui s’est installé au creux de ses entrailles. Dommage qu’il soit suffisamment con pour l’arroser avec de l’essence.